Hooligans : la camside tolosa «recherche la violence» plus que le foot
Par Nelly Metay et Lucas PlanavergneTemps de lecture : 5 min
Depuis 2008, les Camside Tolosa, groupe revendiqué de hooligans, se battent avec des bandes rivales en marge des matchs de foot du TFC (Toulouse football club). Guerre de territoire, quête d’identité, et soif de violence s’entremêlent chez ceux qui ont parfois commencé comme simples supporters des Violets.
Le phénomène hooligan représente une frange extrême et peu bavarde des supporters dans le football. À Toulouse, les Camside comptent huit membres très actifs et une dizaine plus absents. Ce qui les regroupe ? Au-delà d’être pour la plupart des anciens membres de club d’ultras du TFC, ils recherchent quelque chose de plus : la bagarre.
« L’ambiance, les tifos, tout ça c’est le rôle des ultras. Nous, ce qu’on aime, c’est l’affrontement », avoue Mike, trentenaire, membre fondateur des Camside Tolosa. Alors, une fois sorti du stade, le match continue avec une seule ambition pour ces hooligans : casser la figure aux membres des bandes rivales. Ils se donnent rendez-vous de façon plus ou moins cordiale, sur des messageries cryptées, définissent un lieu, un horaire, se bandent les poings, se protègent les dents et rien de plus. La rencontre dure jusqu’au forfait d’un des camps, avec pour principale limite de ne pas continuer si quelqu’un est inconscient.
🟣Les Camside Tolosa sont les seuls hooligans actifs dans la Ville rose. Mike, l'un d'entre eux, évoque ce qui les distingue des Indians, principal groupe d'ultras du TFC.
— Bande à part (@Bandeapart31) December 6, 2022
Retrouvez son témoignage dans le webdocumentaire Bande à Part, en ligne le 9 décembre. pic.twitter.com/ID4aFK0Vvj
Chez les Camside, les combats se font à mains nues, mais ce n’est pas une généralité. Selon France 3 Occitanie, en mars dernier, un combat a eu lieu dans une zone industrielle de Reims entre deux camps : Toulouse, Reims et Paris d’un côté et Strasbourg, Nancy et Rouen de l’autre. Plus de 120 hooligans réunis pour en découdre, et cette fois-ci munis, pour certains, de couteaux.
Défendre ses terres
Si le hooliganisme a des racines anglo-saxonnes, il s’est rapidement diffusé dans toute l’Europe. En France, si l’on en croit les diverses boucles Telegram sur lesquelles les groupes affichent leurs victoires, il existe une quinzaine de bandes de hooligans, plus ou moins actives. Chaque groupe représente, au-delà d’un club de foot, une ville et un territoire à défendre. « Quand les hooligans de Montpellier débarquent lors de certains matchs à la gare Matabiau et cassent les vitrines de bars, nous sommes là pour les accueillir. Et encore plus quand il s’agit des Marseillais », assume Mike.
Comme à la guerre, des alliances se créent entre groupes de villes pourtant rivales à la base. À Toulouse, certains accords de défense mutuelles existent, notamment avec les membres du Kop of Boulogne – hoolligans du PSG.
« D’un groupe à l’autre, nous avons des conversations plus ou moins musclées lorsqu’on organise les combats, car ils ne tiennent pas tous toujours leur parole », poursuit-il. Les Camside ont d’ailleurs réussi à tisser des liens amicaux avec des hooligans de Tours ou Reims. « Ça nous arrive de nous battre et puis d’aller boire un verre ensemble après », s’amuse Mike.
Se trouver des frères
Le hooliganisme ne se résume pas au supportérisme poussé à son paroxysme. En réalité, comme l’explique Ludovic Lestrelin, sociologue du sport à l’université de Caen , ce sont « des jeunes hommes, ils apprennent à maîtriser leur peur, leur corps. Ils peuvent aimer l’adrénaline et le prestige ».
En plus d’une construction identitaire, ils viennent aussi apprendre des autres membres les plus aguerris et trouver les repères familiaux que peut offrir un groupe. « Nous sommes des frères, capables de prendre des coups les uns pour les autres », explique Mike, soulignant d’ailleurs que ce sont « des valeurs que l’on retrouve aussi dans le sport ».
Au-delà de trouver « une bande » dans laquelle exister et montrer sa force, c’est aussi un moyen pour certains d’affirmer leurs goûts au sein d’un collectif. Tous aiment la musique techno, hard, ou underground. De même pour le cinéma. « Je me suis tout de suite identifié aux personnages du film Hooligan », commente Mike.
Mais, pour certains, le fait d’afficher leurs blessures et la violence devant leurs proches a aussi entraîné des difficultés. « J’ai perdu la plupart de mes amis au collège. Ma mère supportait mal de me voir rentrer la figure en sang », confie Mike.
« Presque tous » d’extrême droite
Pour les hooligans, la radicalité ne se résume pas uniquement à la violence, elle se retrouve aussi dans les idées politiques. Chez les Camside, les membres sont « presque tous » d’extrême droite, sans être pour autant encartés.
Un autre élément qui les distinguent des ultras. Les hooligans assument pour la plupart une idéologie politique. Les ultras, eux, ont plus de réserve pour aborder ces sujets et préfèrent se concentrer sur le football. D’ailleurs, les Indians Tolosa n’ont pas répondu à nos sollicitations.
« On est pas dans le même délire. Ils laissent passer des choses que nous on laisse pas passer, mais on les aime quand même, les ultras », taquine Mike. Sur les réseaux sociaux, les Camside s’affichent dans des photos de leurs combats avec un signe de ralliement aux connotations fascistes assumées. « C’est parti d’un délire entre nous, rien de plus. C’est un salut serbe évoquant la trinité chrétienne. Mais oui, nous savons ce que veut vraiment dire ce signe », confirme le trentenaire.
Les Camside affichant une croix occitane. Photo Facebook
Si dans certains groupes de hooligans « l’idéologie politique n’est pas forcément présente », précise Ludovic Estrelin, à Toulouse, ils la revendiquent pleinement. Pour devenir un Camside, il faut passer des entretiens afin de vérifier si les idées et capacités sont compatibles avec les valeurs du groupe.
Rien ne les arrête. Un des membres a d’ailleurs été condamné à faire de la prison. « Nous avons attaqué un rassemblement de hooligans de Montpellier et des communistes, place Arnaud-Bernard. Quatorze d’entre nous ont été arrêtés », explique Mika. Morale de l’histoire : « On s’en fout de ce que les gens pensent de nous », conclue Mike, impatient de retourner se battre.
Affaire Brice Taton : un « choc » pour les supporters
Impossible de ne pas évoquer ce drame lorsque l’on traite du hooliganisme dans la Ville rose. L’affaire Brice Taton, du nom d’un supporter du TFC, mortellement agressé par un groupe de hooligans serbes, le 17 septembre 2009, a marqué tout une génération de supporters toulousains.
« Ça a été un choc », se remémore Mike, treize ans après. « Nous n’avons pas pris le temps du deuil. La seule chose que nous avions en tête, c’était l’envie de vengeance ! Nous voulions juste les noyer dans la Garonne. »
Installés dans un bar de Belgrade en attendant la rencontre opposant les Violets au Partizan, l’ancien trésorier du club d’ultras Indians Tolosa et plusieurs amis ont été surpris par une bande hooligans qui cherchait à en découdre.
Le jour même se tenait une « gay pride » contre laquelle les Serbes avaient prévu de se défouler. Les accès étant bloqués pour l’événement, ils se sont donc décidés à trouver de nouveaux adversaires : Brice et ses amis. Condamné à 13 ans de prison, l’un des agresseurs de Brice Taton, s’est lui-même fait assassiné en 2010.
Depuis ce drame, l’un des virages du Stadium a été renommé Brice Taton en son hommage, mais encore aujourd’hui, la rancœur est présente. « J’ai pas pu aller à Belgrade pour le venger, je n’ai pas pu faire justice », déplore Mike.
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